A partir de 4 murs en pierre, vestiges d’une cave à vin, est née une confortable maison à vivre, de 150 m2 en 2 niveaux. La famille BONNEL y habite depuis deux années.
22 personnes ont participé à cette visite découverte organisée par ECORCE dans l’Aude à Bellegarde du Razès le 10 février 2008. Johan BONNEL fait partie des quelques pionniers qui ont expérimenté la construction avec ce matériau nouveau qu’est le chanvre, plus précisément la chènevotte ou partie de la tige du chanvre débarrassée de sa fibre et un procédé de construction en chanvre dit canosmose, nom commercial développé par Yves Kuhn dans un esprit de recherche bio-dynamique.
De bonnes bases :
Un géobiologue est venu étudier si le lieu présentait d’éventuels points pathogènes ; une réflexion de type fengshui a été conduite, ce qui a abouti à l’aspect « un peu aérien » de la pièce à vivre.
Le projet a été préparé par une formation de 2 jours sur un chantier-école en Ariège pour connaître le matériau chanvre et les dosages à utiliser, ainsi que par beaucoup de lectures et de documentations sur le bioclimatisme et les matériaux sains, la revue « La Maison Ecologique », des sites internet et notamment le forum de « bâtir sain ».
On se trouve ainsi face à une maison de forme compacte, rectangulaire, qui présente au rez de chaussée, une très large porte fenêtre au Sud, une ouverture à l’Est, un mur aveugle à l’Ouest et enfin des espaces tampons au Nord (cellier, WC etc).
Rendez-vous dans mille ans :
Le procédé canosmose consiste en un mélange de chaux aérienne + chanvre + pierre ponce + plâtre gros. Avec des dosages différents, ce mélange est servi à toutes les « sauces » qui sont détaillées ci après.
Les 4 murs sont traités différemment :
Le mur Sud est simplement enduit par un mélange chaux-chanvre sur 4 à 5 cm, juste assez pour se couper de la sensation de mur froid qu’apporte en général un mur en pierre.
Le mur Est est doublé en 10 cm et le mur nord en 15 cm de béton de chanvre, construit grâce à un coffrage temporaire, le béton est posé à l’intérieur par couches qui ont été damées au fur et à mesure : on voit quelques unes de ces couches sur le mur fini et leur effet esthétique. Johan insiste sur l’intérêt d’être nombreux pour ce type de chantier qui demande de la rapidité de pose une fois que le béton de chanvre est prêt.
Le mur Ouest est un coffrage en panneaux de triply qui ont été remplis de copeaux de bois, puis finis par un enduit à la chaux ; l’enduit s’étant fissuré, des canisses ont été posées, sur lesquelles un nouvel enduit chaux/plâtre/chanvre a été déposé, suivi d'un badigeon à fresco.
Les cloisons Nord font à peine 8 cm d’épaisseur car Johan les a mise en œuvre seul, mais il conseille plutôt 12 cm ; le mélange contient plus d’eau, plus de chaux et un peu de sable (pour avoir plus d'absorption phonique). Avec 8 cm, les tasseaux de l’ossature bois faisant 4 cm, ils ne sont recouverts que de 2 cm de chaque côté par le béton, ce qui est un peu juste pour éviter les fissurations.
Pour un mur extérieur neuf, Canosmose conseille une épaisseur de 25 cm avec un enduit intérieur acoustique de 0mm (chaux aérienne + pierre ponce + poudre de marbre) et un enduit extérieur de 3 cm (chaux aérienne + pierre ponce) ; un parevapeur n’a pas d’utilité. Ce sont des recettes Romaines, « au plus ça vieillit, au plus ça durcit », alors rendez-vous dans mille ans !
Les ocres naturelles ayant servi à teinter les enduits de finition sont l’ocre rouge et l’ocre jaune pour les bases, la sienne naturelle et la sienne calcinée pour les nuances.
Le groupe continue sa visite par le coin cuisine toujours en chaux-chanvre appliqué sur des structures en bois.
Le sol d’une forêt :
Le sol était de la terre tassée d’une ancienne cave à vin de plus de 100 ans. Une isolation en liège a été posée au pied des murs : un panneau de 1 m sur le sol au ras du mur extérieur et un panneau de 0,5 m contre le mur, en équerre avec le précédent. Ces dimensions sont celles des panneaux de liège de 40 mm. Du concassé a ensuite été déposé sur une hauteur de 30 à 40 cm pour éviter la remontée d'humidité, puis un mélange de terre-paille réalisé à partir de la terre du jardin, assez argileuse, au moins 30 %, tamisée au travers d’un sommier, de la paille de blé d’un voisin : ce mélange a été confectionné dans un épandeur à fumier qui l’a ensuite projeté sur le concassé. Des 10 cm bien denses et bien chargés en barbotine, il est resté 3 cm après piétinement pour tassement. Cette dalle de terre a été réalisée en septembre, en période de beau temps et a nécessité un temps de séchage de 1 mois et demi pour une surface de 77 m2 sur 3 à 4 cm d’épaisseur. Mais là où le mélange est resté mou (car pas assez de boue par rapport à la paille), le sol s’est affaissé, et il a fallu refaire une chape en chaux aérienne, pierre ponce; là dessus ont été posés des carreaux de terre récupérés et des motifs en stuc (chaux hydraulique NHL2 + pierre ponce + poudre de marbre pour l’aspect soyeux + silice, teinté dans la masse avec des ocres naturelles + 20% de ciment blanc pour durcir plus rapidement) ; une huile dure a été passée sur tout le sol ; l’entretien se fait uniquement avec de l’eau et du savon noir. Et quand on marche dessus pieds nus, la sensation est celle de marcher sur le sol d’une forêt !
La ventilation de la maison se fait de façon naturelle, par l’ouverture des fenêtres, par la hotte aspirante et par … les petits trous que l’on trouve au niveau des linteaux (à l'ancienne). Le chauffage est assuré tout d’abord par le stockage de la chaleur solaire apportée par la porte vitrée et aussi par un poêle à bois installé au centre de la maison (une seule chauffe de quelques heures par jour, le soir, suffit à chauffer toute la maison pour 24h, parfois même 48h).
Un escalier célèbre :
Les panneaux d’exposition du stand d’ECORCE, un article dans la revue de La Maison Ecologique … cet escalier est connu. Il est fabriqué à partir de deux limons de bois et deux traverses de bois en 6x4, vissée, pour chaque marche ; un coffrage en triply et contreplaqué souple a été construit avec l’aide d’un charpentier pour faire le balancement des marches, et a été rempli d’un mélange chaux-chanvre à dosage dense ; il s’amalgame avec le bois et fait bloc : décoffré 12 heures après, utilisé 4 jours après (en douceur). La main courante a été fabriquée après l’escalier … et après une balade en forêt. Le gros avantage de cet escalier est son prix de revient peu élevé, 1 000 euros main d’œuvre comprise.
A l’étage, le sol est composé d’une plaque d’isorel mou pour l’isolation phonique, aplani par dessus avec du chaux-chanvre, sur lequel sont rajoutés les panneaux de triply qui avaient servi à des coffrages, bouvetés partout, et enfin un parquet en pin des Landes classique cloué sur le triply (soit au final, un parquet flottant de 43mm d'épaisseur.
Les murs sont enduits de stuc : chaux aérienne + pierre ponce + poudre de marbre, teinté dans la masse, posé à la lisseuse. La densité du stuc est plus ou moins forte selon qu’il s’agisse de la cage d’escalier ou de la salle de bains (plutôt tadelakt).
La toiture est composée de chevrons de 12 cm d’épaisseur, entre lesquels sont posés des panneaux semi-rigides de laine de bois ; sous les chevrons sont vissés des panneaux de liège de 4 cm ; sur chevrons on trouve un parepluie (panneau de bois compressé, contenant du latex, 18 mm, fragiles à la pose, à contreliteauner), et la couverture. Une volige en cèdre brut fait office de parement intérieur.
Le budget :
entre 40 et 45000 euros pour la maison, matériaux et main d’œuvre (base des prix d'il y a 4 ou 5 ans).
Budget chanvre, chaux et ocres: moins de 8000 euros comprenant les doublages de mur, les cloisons, les enduits et sol stuc, l'escalier, tous les meubles en enduits chanvre (cuisine et salle de bains), dalle en ponce 4cm et dalle d'étage 5 cm.
Menuiseries : 9000 euros environ
Isolation : laine de bois 1300 € et liège 450 €.
Bois (cèdre et douglas) : 6 à 7000€ , terrasse de 50 m2 comprise.
Cuisine (plus qu'intégrée) : 400€ sans l'électroménager
Vive le chanvre dans la construction!!!
